Poème inédit

En réaction au reportage Un monde sans femmes sur ARTE le 19.6.18 lien. (Synthèse à la 86e mn).

Une femme n’est rien

Une femme n’est rien !

Et la somme de toutes n’y change rien !

Ô Femme !
Asservie et meurtrie depuis des millénaires !
Violentée, battue, déshonorée, emprisonnée,
Vendue, humiliée, avilie, méprisée, rejetée,
Opprimée, exploitée par la société tout entière,
Taillable et corvéable à merci,
Qu’as-tu fait pour mériter ce sort ignoble ?
Servante et domestique de ton père, de ta mère, de ton mari,
De tes frères, de ta famille, de tes enfants,
De tes employeurs, de tous en général,
Tu fais tout et pourtant tu n’es rien !
Tu trimes dur et pourtant tu n’as rien !
Déconsidérée en dépit de l’ouvrage effectué
Tu es invisible aux yeux masculins,
Écrasée par leur puissance et leur arrogance,
Réduite en esclavage comme troupeau de bétail,
Bête de somme docile et soumise
Cantonnée à la domesticité et au sexe.
Car, aujourd’hui encore, une femme n’est rien !
Qu’un sujet insignifiant dans une cour masculine et misogyne,
Une masse négligeable au service d’une société patriarcale ;
Un ventre sur pattes que l’on vend au plus offrant !
Un espace de chair que s’arrogent les mâles,
Un coffre vivant où transite leur héritage !
Une femme n’est rien !
Qu’un sexe, des organes génitaux
Que sous couvert de religions, de traditions, de stratégies ou de profits,
L’homme mutile, excise, infibule, lacère, pénètre, viole, détruit,
Qu’il expose, dégrade, prostitue, exploite, marchande !
Un sexe dont il joue et jouit à sa guise,
Propriétaire, maître et dieu tout-puissant du corps de cette femme.
Une femme n’est rien !
Qu’un utérus sur pattes,
Qui permet aux hommes de se développer et d’accéder au monde.
Une matrice d’où ils sortiront adulés, respectés, choyés
Pour dominer le monde et persécuter sans fin
Celle qui pourtant leur a donné naissance…
Ô Femme !
Messagère de la paix, de la beauté et de l’amour,
Déesse de la vie et du féminin sacré
Qu’ont-ils fait de toi ?
Devenue le paillasson des mâles,
Son esclave, sa prisonnière, sa catin de service,
L’ombre de leur lumière,
L’instrument de leur réussite,
Tu n’es rien et tu n’existes pas !
Ignorée des hommes, tu es méprisée,
Tenue à l’écart de la Connaissance, de l’Education,
De la Culture, des Arts, de la Politique, des Sciences,
Des Mathématiques, des Affaires et de la Finance.
Laissée pour compte du Ciel et de la Terre,
Sous-être de l’humanité,
Tu en es pourtant le fondement,
La nécessité première !
Aujourd’hui encore, sur trop de continents,
Une femme n’est rien !
Qu’une machine à engendrer des mâles,
Interchangeable et répudiable à l’envi !
Un être vivant privé de liberté, de dignité, de prénom parfois !
Un être qu’on utilise, chosifie et vend comme marchandise ;
Un être féminin qu’on assassine, qu’on bafoue, qu’on tue à la naissance !
Un être qu’on extermine par millions au nom des traditions :
Foeticide planifié, Gynocide monstrueux aux conséquences désastreuses.
Un être déchiré qui renie sa propre vie, sa féminité
Et participe de son propre anéantissement.
Un être qui meurt parce que né femme !
Une femme n’est rien !
Et la somme de toutes n’y change rien !
Comment les hommes peuvent-ils lui concéder si peu d’importance
Quand sans elle ils ne seraient pas ?
Comment peut-elle être si peu
Alors qu’elle est à l’origine de tout ?

 

© Catherine Gaillard-Sarron 7.6.06/modifié le 20.6.18