Poème inédit

 

Bonheur sur ordonnance

Soucieux de bénéfices, plus que de la santé, sans autre on nous délivre Xanax et opiacés, nous jetant dans les affres d’une accoutumance à dessein prolongée à grands coups d’ordonnances…

De l’État Providence à l’état dépendance,

Nous perdons chaque jour un peu d’indépendance ;

Programmés, contrôlés, pas à pas dirigés,

Nous renions, conformistes, nos vœux de liberté.

 

Asservie par l’argent et par l’économie,

Servie par les médias, les lobbys, la chimie,

La société s’altère et se « mondiabolise »,

Occultant les angoisses générées par la crise !

 

Boosté par le progrès le monde se transforme,

Laissant sur le carreau des chômeurs par millions,

Des femmes et des hommes voués à l’exclusion,

Déclassés, déprimés, en dehors de la norme.

 

Des êtres sans espoir, oubliés des nantis,

Sacrifiés sans remords sur l’autel du profit,

Qui n’ont d’alternative pour vaincre le néant

Que les anxiolytiques et les tranquillisants.

 

Travailleur ou chômeur, malade ou déprimé,

L’être humain, angoissé, est devenu marché !

Une proie vulnérable en recherche d’oubli

Traquée par les pharmas qui méprisent la vie.

 

Une opportunité qu’ils maximisent à fond,

Imaginant sans fin de nouvelles substances,

Entraînant par milliers dans maintes addictions

Les accros d’un bonheur prescrit sur ordonnance !

 

Dans notre société surmédicamentée,

La dope ce fléau est dans tous les foyers ;

Dénoncée par les uns, elle enrichit les autres,

Accentuant la fange où déjà tant se vautrent.

 

Dealers et trafiquants sont dans les officines

Et fournissent Viagra, Prosac et Vicodin !

Drogués légaux sous la tutelle des États

Nous les enrichissons tout en marchant au pas !

 

Soucieux de bénéfices, plus que de la santé,

Sans autre on nous délivre Xanax et opiacés,

Nous jetant dans les affres d’une accoutumance

À dessein prolongée à grands coups d’ordonnances.

 

En quête d’un bonheur, d’une extase facile,

Nous sommes les jouets de marchands mercantiles

Qui proposent et procurent moult médicaments

Et transforment en junkies de crédules patients.

 

Béquilles indispensables à tant de nos semblables,

Partout on encourage et c’est invraisemblable,

Cette consommation folle et irraisonnée,

Proposant chaque jour autant de nouveautés !

 

Éludant sans remords la cause des pourquoi

On nous invite, on nous incite à tour de bras,

À oublier, à lâcher prise, à consommer !

Déresponsabilisés, mais fidélisés !

 

Sans être hors la loi nous pouvons nous droguer,

En toute impunité, toute légalité,

Protégés, assistés jusqu’à l’aliénation

Dans cette société aux allures de prison.

 

Propositions, incitations diverses !

Addictions, assuétudes, dérives perverses !

La société tranquillise les individus

Et les endort sur les débris d’un monde perdu !

 

Produits de confort, de fuite ! Produits chimiques !

Or blanc, or jaune ! Des géants pharmaceutiques !

L’humanité, droguée, est sous dépendance,

Sous dépendance du bonheur sur ordonnance !

 

 

© Catherine Gaillard-Sarron 6.3.99 – Poème modifié le 9.10.22

Poème extrait du recueil Ex-slamation à paraître prochainement.